En quoi une clause de non-concurence est vraiment valable

Une salariée, Mme A..., était responsable d'agence dans une entreprise de travail temporaire. Après sa démission, elle rejoint un concurrent. Son ancien employeur l’attaque en justice, invoquant une clause de non-concurrence.

❌ Problème ? La salariée conteste la validité de cette clause.

L'affaire est allée loin, car l'employeur s'est obstiné. Mais comme souvent, il a perdu…

⚖️ La Cour de cassation (avril 2020) a donné raison à l’employée.

💡 Et bien souvent, dès le bureau de conciliation ou devant les prud’hommes, les salariés gagnent.

❓ Pourquoi ?

Parce que la plupart des clauses de non-concurrence sont mal rédigées ou ne respectent pas les règles légales.

Souvent, les employeurs pensent se protéger contre le risque de voir un salarié rejoindre une entreprise concurrente en insérant une clause de non-concurrence dans le contrat de travail. Pourtant, il est frappant de constater à quel point ces clauses sont, dans la majorité des cas, non applicables ou difficilement exécutoires. En effet, pour être valable, une telle clause doit respecter un cadre légal strict et répondre à plusieurs critères précis définis par la loi, sans quoi.


Définition de la clause de non-concurrence

La clause de non-concurrence est une condition prévue au contrat de travail ou dans certaine convention collective, qui, en cas de rupture du contrat de travail, oblige le salarié à ne pas exercer la même activité ou la même fonction pour une autre société ou pour lui-même (en tant qu’indépendant). Cette clause permet de ne pas porter préjudice à un ancien employeur en lui faisant de la concurrence. Le salarié reçoit, de son employeur, une compensation financière en contrepartie de cette contrainte.

Les conditions de validité de la clause

Pour que la clause de non-concurrence soit valide, elle doit respecter plusieurs critères :
  • Celle-ci doit avant tout protéger les intérêts légitimes de la société et non pas interdire au salarié de retrouver un emploi ;
  • Les spécificités de la fonction du salarié doivent être bien définies ;
  • La clause doit être limitée dans le temps et dans l’espace ;
  • L’employeur doit verser au salarié une contrepartie financière.

Que veut dire "Protéger les intérêts de l'entreprise" ?

Protéger les intérêts légitimes de l'entreprise signifie préserver les avantages ou les bénéfices que l'entreprise a le droit de défendre légalement. Cela peut inclure :

  1. La protection du savoir-faire et des compétences spécifiques de l'entreprise
  2. La sauvegarde de la clientèle et des informations sensibles
  3. La garantie de la sécurité du réseau et des informations
  4. La prévention de la fraude
  5. La gestion administrative interne au sein d'un groupe d'entreprises

Le contraire de protéger les intérêts légitimes de l'entreprise serait de :

  1. Permettre la divulgation ou l'utilisation non autorisée des informations confidentielles de l'entreprise.
  2. Autoriser une concurrence déloyale de la part d'anciens employés.
  3. Négliger la sécurité des données et des systèmes de l'entreprise.
  4. Ignorer les risques de fraude ou de préjudice économique.

Il est important de noter que l'intérêt légitime de l'entreprise doit être mis en balance avec les droits et libertés fondamentaux des personnes concernées, notamment dans le cadre du RGPD. L'intérêt économique seul ne suffit pas à justifier un traitement de données personnelles.

Exemples d'intérêts légitimes

Voici des exemples concrets d'intérêts légitimes que les entreprises peuvent invoquer pour justifier certains traitements de données personnelles :

  1. La sécurité des systèmes informatiques et des réseaux
  2. La prévention et la lutte contre la fraude
  3. La prospection commerciale auprès de clients existants
  4. La gestion administrative interne au sein d'un groupe d'entreprises
  5. Le développement d'une relation commerciale déjà établie
  6. La défense des droits de l'entreprise en justice
  7. La préservation de la santé et de la sécurité des collaborateurs
  8. Le développement de systèmes d'intelligence artificielle par des organismes privés

Il est important de noter que l'utilisation de l'intérêt légitime comme base légale pour le traitement de données personnelles est soumise à des conditions strictes :

  1. L'intérêt doit être licite et réel
  2. Le traitement doit être nécessaire à la poursuite de cet intérêt
  3. Il faut effectuer une mise en balance entre l'intérêt de l'entreprise et les droits et libertés fondamentaux des personnes concernées.

Les entreprises doivent donc être en mesure de démontrer que leur intérêt est légitime, que le traitement est nécessaire et proportionné, et qu'il ne porte pas atteinte aux droits des individus de manière excessive.

Que signifie être limité dans le temps et dans l'espace ?

Être limité dans le temps et dans l'espace signifie que la clause de non-concurrence doit avoir une durée d'application définie et une zone géographique spécifique où elle s'applique. Voici les détails :

1. Limitation dans le temps :

  • La clause doit avoir une durée d'application précise et raisonnable.
  • Cette durée ne doit pas être excessive et doit être proportionnée aux intérêts légitimes de l'entreprise.
  • Par exemple, une clause illimitée dans le temps serait considérée comme illicite.

2. Limitation dans l'espace :

  • La clause doit spécifier une zone géographique précise où elle s'applique.
  • Cette zone doit être clairement définie et ne pas être trop vaste.
  • Elle doit généralement correspondre aux zones où l'activité de l'ancien salarié pourrait effectivement concurrencer l'entreprise.

Évaluation de la limitation géographique

La jurisprudence évalue la limitation géographique d'une clause de non-concurrence selon plusieurs critères :

  1. Définition claire et précise : Le périmètre géographique doit être clairement défini et déterminable au moment de la conclusion du contrat. Une clause trop vague ou évolutive risque d'être annulée.
  2. Proportionnalité : La zone géographique doit être limitée aux régions où l'activité de l'ancien salarié peut effectivement concurrencer l'entreprise. Elle ne doit pas être excessive par rapport aux intérêts légitimes de l'entreprise.
  3. Possibilité d'exercer une activité professionnelle : La limitation géographique ne doit pas empêcher le salarié d'exercer une activité conforme à sa formation et son expérience. Une clause couvrant un large territoire n'est pas automatiquement nulle si elle permet au salarié de travailler ailleurs.
  4. Évaluation au cas par cas : Les juges effectuent un contrôle de proportionnalité en tenant compte de divers paramètres comme la nature de l'activité, le poste du salarié et l'étendue géographique des activités de l'entreprise.
  5. Évolution de la jurisprudence : Bien que des clauses à portée nationale aient été validées par le passé, la tendance récente est plus restrictive. La Cour de cassation a par exemple annulé une clause applicable "au niveau mondial" car non délimitée dans l'espace.

En résumé, la limitation géographique doit être préciseproportionnée et permettre au salarié d'exercer son activité professionnelle, tout en protégeant les intérêts légitimes de l'entreprise. L'évaluation se fait au cas par cas, en tenant compte de l'ensemble des circonstances.

La date d’exécution de la clause

La clause de non-concurrence commence à compter de la date de la fin du préavis prévu suite à la rupture du contrat de travail. Si l’employeur a dispensé le salarié de préavis, la clause s’applique à partir du jour où l’employé à quitter la société.

Le montant de l’indemnité

En contrepartie de ne pas pratiquer certaines activités professionnelles dans telle zone géographique, le salarié perçoit une indemnité financière versée par son ancien employeur. 

Cette contrepartie financière est un élément essentiel pour la validité de la clause. Voici les points importants à retenir :

  1. Obligation de versement : L'employeur est tenu de verser cette indemnité dès lors que la clause de non-concurrence est applicable, même en cas de licenciement pour faute grave.
  2. Moment du versement : La contrepartie financière est généralement versée après la rupture du contrat de travail.
  3. Montant : Le montant de la contrepartie doit être suffisant et proportionné. Il peut être fixé par la convention collective ou par l'employeur en l'absence de dispositions conventionnelles.
  4. Caractère salarial : La jurisprudence a établi que la contrepartie financière a un caractère salarial, ce qui empêche la modification de son montant une fois fixé.
  5. Conséquences du non-versement : Si l'employeur ne verse pas la contrepartie financière, le salarié n'est plus tenu de respecter la clause de non-concurrence et peut réclamer son paiement en justice.
  6. Durée du versement : La contrepartie est due pendant toute la période où le salarié respecte effectivement la clause de non-concurrence

La loi ne définit pas précisément le montant minimum à percevoir mais celui-ci peut être librement établi entre l’employeur et le salarié, ou bien être fixé par la convention collective. Le montant est généralement calculé de façon relative par rapport aux différentes contraintes du salarié (par exemple selon la durée et la zone géographique d’interdiction d’exercer, les fonctions proscrites…), et par rapport à ses salaires des derniers mois. Dans tous les cas, le montant ne doit pas être dérisoire. Faute de quoi, les tribunaux pourront juger la clause de non-concurrence comme nulle. 

Pour qu'une contrepartie financière d'une clause de non-concurrence soit considérée comme suffisante, plusieurs critères doivent être pris en compte :

  1. Montant raisonnable : La contrepartie ne doit pas être dérisoire. Elle est généralement évaluée entre 20% et 35% de la rémunération mensuelle moyenne des 12 derniers mois du salarié.
  2. Proportionnalité : Le montant doit être proportionné à l'étendue de la clause de non-concurrence. Plus les restrictions sont importantes (durée, zone géographique, secteur d'activité), plus la contrepartie doit être élevée.
  3. Indépendance de la cause de rupture : Le montant ne peut pas varier en fonction de la nature de la rupture du contrat de travail (démission, licenciement, rupture conventionnelle).
  4. Versement après la rupture : La contrepartie doit être versée après la rupture du contrat de travail, et non pendant son exécution.
  5. Caractère raisonnable : Une contrepartie dérisoire équivaut à une absence de contrepartie et n'est donc pas valable selon la jurisprudence.
  6. Forme de versement : La contrepartie peut prendre la forme d'un capital (versement unique) ou d'une rente (versements périodiques).

Il est important de noter que l'évaluation du caractère suffisant de la contrepartie financière se fait au cas par cas, en tenant compte du contexte spécifique de chaque situation.

Cette indemnité est due au salarié peu importe la nature de la rupture du contrat de travail. L’employeur ne peut également minorer le montant, même si le salarié a été licencié pour faute (arrêt n° 13-25847, du 9 avril 2015, de la chambre sociale de la Cour de cassation) ou s’il démissionne (arrêt n° 14-29679, du 14 avril 2016, de la chambre sociale de la cour de Cassation).

Les sanctions de non-respect de la clause

En cas de non-respect de la clause de non-concurrence, le salarié et l’employeur s’exposent à plusieurs condamnations appliquées par les tribunaux. Si le salarié manque à son engagement de non-concurrence envers son ancien employeur, il peut être condamné à rembourser les indemnités qu’il a perçues, de payer des dommages-intérêts pour le préjudice qu’il a fait subir à son ancien employeur, et il peut même encourir une interdiction d’exercer son activité en cours. 

Les sanctions en cas de non-respect de la clause de non-concurrence varient selon que la violation est imputable au salarié ou à l'employeur :

Sanctions pour le salarié

  1. Perte définitive de la contrepartie financière :
    • Le salarié perd son droit à l'indemnité compensatrice, même si la violation n'est que temporaire.
    • L'employeur peut cesser le versement de l'indemnité dès la constatation du non-respect.
  2. Remboursement des sommes perçues :
    • Le salarié peut être condamné à rembourser les indemnités déjà versées au titre de la contrepartie financière.
  3. Dommages et intérêts :
    • L'employeur peut réclamer des dommages et intérêts s'il justifie d'un préjudice subi du fait de la violation.
  4. Cessation de l'activité concurrente :
    • Le juge peut ordonner au salarié d'arrêter l'activité interdite par la clause

L'employeur peut être sanctionné dans les cas suivants :

  1. Non-versement de la contrepartie financière :
    • Si l'employeur ne verse pas l'indemnité compensatrice prévue par la clause de non-concurrence, le salarié est automatiquement délié de son obligation de non-concurrence3.
    • L'employeur peut être condamné à verser l'indemnité pour la période durant laquelle le salarié a respecté la clause3.
  2. Paiement de dommages et intérêts :
    • Le salarié peut réclamer des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi si l'employeur ne respecte pas ses obligations1.
  3. Clause jugée nulle :
    • Si la clause est jugée nulle (par exemple, en l'absence de contrepartie financière ou si celle-ci est dérisoire), l'employeur ne peut pas demander la restitution des sommes déjà versées au titre de la contrepartie financière si le salarié avait respecté la clause5.
  4. Concurrence déloyale :
    • Un employeur qui engage sciemment un salarié lié par une clause de non-concurrence à une autre entreprise peut être sanctionné pour concurrence déloyale.


Dans les 2 cas, c’est à chaque partie de prouver qu’elle a subi un préjudice (arrêt n° 14-20578, du 25 mai 2016, de la chambre sociale de la Cour de Cassation).

Cas où la clause de non-concurrence n'est pas valable

La clause de non-concurrence n'est pas valable dans les cas suivants :

  1. Absence de limitation dans le temps : Une clause sans durée définie ou avec une durée excessive est considérée comme nulle.
  2. Absence de limitation dans l'espace : La clause doit être limitée à une zone géographique spécifique.
  3. Non-indispensable à la protection des intérêts légitimes : La clause doit être justifiée par les intérêts de l'entreprise, comme lorsque le salarié est en contact direct avec la clientèle.
  4. Non-spécificité de l'activité visée : La clause doit cibler une activité spécifique liée aux fonctions du salarié.
  5. Absence de contrepartie financière : La clause doit prévoir une compensation financière pour le salarié.
  6. Restriction excessive : La clause ne doit pas porter une atteinte disproportionnée à la liberté de travailler du salarié.
  7. Pouvoir unilatéral de l'employeur : L'employeur ne peut pas avoir le pouvoir de prolonger ou modifier unilatéralement la durée de la clause.

Si l'une de ces conditions n'est pas remplie, la clause de non-concurrence est considérée comme nulle et non valable.

Il faut généralement aller devant un juge pour contester une clause de non-concurrence abusive ou faire valoir ses droits en cas de non-respect. Le tribunal compétent est le Conseil de Prud'hommes. Voici les principales situations où une action en justice peut être nécessaire :

  1. Pour le salarié :
  • Demander l'annulation d'une clause illicite.
  • Solliciter l'inopposabilité de la clause en référé en cas d'urgence.
  • Réclamer des dommages et intérêts si la clause est jugée abusive.
  1. Pour l'employeur :
  • Faire respecter la clause en cas de violation par le salarié.
  • Demander des dommages et intérêts en cas de préjudice.

Il est important de noter que le salarié dispose d'un délai de deux ans à compter du début d'application de la clause pour agir en justice.

Une conciliation est possible avant d'aller devant les prud'hommes. En effet, la conciliation est une étape obligatoire dans la procédure prud'homale :

  1. Le bureau de conciliation et d'orientation (BCO) : a une compétence d'ordre général pour régler tout différend né à l'occasion du contrat de travail.
  2. La conciliation : est la première étape obligatoire lorsqu'un contentieux prud'homal se déclenche.
  3. Comparution volontaire : Les parties peuvent comparaître volontairement devant le BCO et étendre librement l'objet de leur conciliation.
  4. Procès-verbal de conciliation : peut régler des litiges au-delà de la seule question de la rupture du contrat de travail.
  5. Issue amiable : La conciliation permet de tenter une issue amiable avant d'engager une procédure contentieuse complète.

Cette étape de conciliation vise à favoriser un règlement à l'amiable du litige entre l'employeur et le salarié, évitant ainsi une procédure judiciaire plus longue et coûteuse.

Bien que la tentative d'un accord amiable avec l'employeur soit possible, elle n'est pas toujours fructueuse. Dans ce cas, le recours judiciaire devient nécessaire pour trancher le litige.


En quoi une clause de non-concurence est vraiment valable
Le Pavillon Des Entreprises, Franck GAUTIER 28 juillet 2023
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